Institut de Chimie Moléculaire et des Matériaux d'Orsay

Synthèse, Propriétés et Modélisation des Matériaux

Mise en évidence inattendue de propriétés circulaires créées par irradiation laser femtoseconde!

 

Au cours de ces dix dernières années, nous avons mis en évidence des propriétés circulaires dans des échantillons de silice pure avec différents lasers femtoseconde (800nm, 1030nm, durée d’impulsion 300-500fs) et différents paramètres d’irradiation (durée, fréquence de répétition, énergie d’impulsion). En particulier, nous avons trouvé possible d’obtenir ces propriétés circulaires en utilisant des polarisations linéaires du faisceau laser. Cela nous a amené à la question : comment est il possible d’obtenir des propriétés circulaires, en utilisant un faisceau incident orthogonalement qui, a priori, est axisymétrique ?.

Nous avons prouvé que le laser femtoseconde qui produit un faisceau a priori achiral (polarisation linéaire du laser), est capable de briser l’achiralité d’un matériau comme le verre de silice, même sous une géométrie d’expérience achiral (l’incidence normale) en violation apparente de parité. Nous avions, il y a quelques années accumuler des présomptions en mesurant des pouvoirs rotatoires, des excès apparents énantiomériques en luminescence, et des dichroïsmes circulaires, mais leur analyse a été difficile à mener car la forte biréfringence du solide produit des artefacts qui parasitent les résultats et rendent difficiles leur interprétation. Pour bien contrôler les mesures, il a fallu d’abord les simuler mathématiquement à l’aide de matrices de Jones. Les résultats probants montrent des ellipticités très nettes pour une énergie par impulsion dépassant un seuil. On a aussi trouvé que cette ellipticité peut dépendre de la direction relative de la polarisation par rapport à l’écriture d’une part, mais aussi, et c’était là la difficulté, dépend de la face de l’échantillon par lequel on fait la mesure. En effet, la présence simultanée de propriétés linéaires et circulaires donne lieu à un échantillon qui n’est généralement plus réversible si ces propriétés n’ont pas la même distribution en profondeur.

Fig1-souspage-circularité.png

Figure 1 (Gauche) : mesure de la dépendance de la rotation optique en fonction de l’angle entre la polarisation et la direction d’écriture. On voit que la rotation est maximale d’un signe ou l’autre pour des angles d’environ ±67° (et ±247°) et change de signe avec l’orientation de la polarisation. (Droite) : hypothèse du couple de torsion produit par la combinaison d’une polarisation et d’un champ continu produit par effet non-linéaire.

 

Violation de parité ?

Il existe différentes possibilités pour expliquer la création d’une action chirale par un laser femtoseconde dans un verre:

1) un effet piézoélectrique d’ordre élevé combinant champ de contrainte* et champ électromagnétique.

* le champ de contrainte résulte des variations de volume produites par les précédentes impulsions.

Comme le tenseur des contraintes ne peut se réduire en général à un terme scalaire, cela introduit un terme à la poalrisation de la matière dont la contribution perpendiculaire à la direction du champ électrique. L’écart d’orientation entre le champ et la réponse du matériau génère alors un couple de torsion indépendant du temps qui peut être à l’origine de l’apparition des propriétés circulaires. On peut cependant reprocher à ce mécanisme de n’être actif que pendant l’impulsion qui est relativement courte. Il faut alors imaginer un « effet de cliquet » si on utilise une fréquence d’impulsion assez élevée.

2) un autre mécanisme dérivé du précédent invoque un champ électromagnétique indépendant du temps qui serait créé par l’action des forces électromagnétiques pondéromotrices sur le gaz d’électrons excités. On note que son efficacité peut être élevée puisque le champ demeure même entre les impulsions.

3) une troisième possibilité est celle basée sur la remarque que deux processus conduisent à des biréfringences. L’un est la biréfringence de contrainte produite par les changements de volume induits par les impulsions précédentes et l’autre est la biréfringence de forme produite par la création de nanoréseaux. L’orientation de la première dépend de la direction d’écriture et celle de la seconde, de la polarisation de la lumière. Si, les axes neutres des deux biréfringences ne coïncident pas alors un pouvoir rotatoire apparaît.

Finalement, il n’y aurait pas de violation de parité (la chiralité de l’effet n’est pas aléatoire, mais reproductible). Il y aurait une chiralité soit dans le faisceau pour certaines positions de la polarisation, du déplacement du laser et éventuellement du tilt du front d’intensité de l’impulsion. Le signe de chiralité peut-être contrôlé par les directions relatives des trois vecteurs (polarisation, déplacement, front de l’impulsion).